Trente-trois candidats vont s’affronter à Madagascar lors de la présidentielle du 25 octobre. Un scrutin qui devrait mettre un terme à plus de quatre ans de crise et dont les résultats vont sans doute remodeler un paysage politique où les alliances se font et se défont au gré des luttes de pouvoir.
Au lendemain de la prise de pouvoir d’Andry Rajoelina en 2009, les choses semblaient presque plus claires. Quatre grandes mouvances, les principales tendances politiques malgaches, étaient alors identifiées : celles des deux principaux rivaux, Andry Rajoelina, à la tête de la Haute autorité de transition, et Marc Ravalomanana, exilé en Afrique du Sud. Deux anciens présidents, Didier Ratsiraka (au pouvoir de 1975 à 1993 puis de 1997 à 2002) et Albert Zafy (1993-1997), passaient pour être incontournables dans une résolution large et durable du conflit malgache. Quatre ans plus tard, la situation est plus confuse. Les cartes ont été rebattues : « Le principe même des quatre mouvances était artificiel. Cela ne reflétait pas les divisions internes », explique Annie Rakotoniaina, juriste et membre de l’Observatoire de la vie publique.
La logique de parti ne prime pas
Divisions, alliances, opportunisme… Résultat : 33 candidats sont sur la ligne de départ pour la présidentielle du 25 octobre, et, sans sondages fiables, il est difficile de mesurer la puissance de chacun. « Je ne vois pas un parti dominant, affirme Jean-Claude Ramandimbiarison. Les gens assistent aux meetings des différents candidats simplement pour voir des artistes et recevoir des T-shirts. » En 2011, le ministère de l’Intérieur recensait 354 partis politiques à Madagascar ; certains ne comptaient qu’un bureau de 5 membres, minimum requis pour être inscrit officiellement. Une loi sur les partis politiques est venue restreindre en 2012 les critères d’inscription : il faut désormais recueillir 200 signatures, déclarer l’adresse du siège du parti, et présenter un projet de société. Le nombre de partis officiels est tombé à 173 – mais la Constitution malgache permet à tout citoyen de se porter candidat avec ou sans parti. « Paradoxalement, c’est peut-être encore la mouvance Ravalomanana qui dispose d’une base. » Pour le scrutin du 25 octobre, l’ex-président Ravalomanana a choisi son candidat dix jours avant le début de la campagne : Jean-Louis Robinson, ancien ministre de la Santé et des Sports. Ce médecin, absent du paysage politique depuis quatre ans, n’est membre ni de la mouvance ni du parti de l’ex-président - le TIM (Tiako i Madagasikara, « J’aime Madagascar »). Il peut bénéficier du soutien de la mouvance qui a toujours un maillage national important après sept ans au pouvoir et dispose encore d’élus locaux dans toute l’île. Mais l’absence de son leader sur le territoire et sa gestion controversée de la crise ont atténué la puissance du TIM.
« La mouvance Rajoelina est divisée pour cette élection. Sans parler d’une quelconque base, le citoyen lambda, sympathisant d’Andry Rajoelina, ne s’y retrouve pas », analyse Annie Rakotoniaina, pour qui la victoire du candidat du pouvoir n’est pas évidente. Le parti TGV (Tanora mala Gasy Vonona, « Les jeunes malgaches prêts »), créé par Andry Rajoelina, avait en effet choisi son candidat lors de son congrès national en avril dernier : Edgard Razafindravahy, maire désigné d’Antananarivo. Mais la logique de parti, là encore, ne prime pas. C’est Hery Rajaonarimampianina, ministre des Finances et du Budget depuis 2009, qui a la préférence du président de la Transition et de la majorité des membres de sa mouvance. Comme Robinson, ce candidat est peu connu de la population. Désigné lui aussi sur le tard, il bénéficie de l’arsenal de campagne déployé par ses soutiens.
Sans étiquette
« C’est peut-être le plus riche qui remportera l’élection… C’est une hypothèse », avance M. Ramandimbiarison. Car, si les représentants des deux grands rivaux déploient les grands moyens, ils ne sont pas les seuls. Une petite dizaine de candidats parcourent le territoire en avion et en hélicoptère depuis un mois et comptent bien obtenir leur place au deuxième tour. En l’absence de sondages, rien ne dit qu’ils n’ont pas les mêmes chances que les deux grandes mouvances. Le paysage politique est en train de se dessiner et les politiciens le savent : la plupart des candidats aux législatives du 20 décembre (jumelées avec l’éventuel second tour de la présidentielle) se présentent sans étiquette.
« Ils ont peur de choisir un parti politique car actuellement on ne connaît pas encore les tendances dans l’opinion publique », explique Thierry Rakotonarivo, secrétaire général du ministère de l’Intérieur. En effet, la Constitution malgache prévoit (art. 72) que « durant son mandat le député ne peut, sous peine de déchéance, changer de groupe politique pour adhérer à un nouveau groupe, autre que celui au nom duquel il s’est fait élire ». Les candidats inscrits comme indépendants peuvent en revanche pratiquer la transhumance politique. Pour M. Rakotonarivo, « ils attendent de voir le rapport de forces après les élections »…
(MFI/22.10.2013) MFI/Avec Marie Audran
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